Kiss Sutra



Le « Kiss Sutra », titre de ce livre trouvé chez un bouquiniste de Calcutta, fait une analyse détaillée de l’art du baiser en mettant en parallèle des archives photographiques en noir et blanc représentants exclusivement, soit des sculptures de temples hindous, provenant de l’Archaeological Survey of India, soit des scènes de baisers mythiques du cinéma hollywoodien, provenant principalement de la Metro Goldwin Mayer.
Chaque document est accompagné d’une légende décrivant le style de baiser illustré: baiser dans le cou, du bout du nez, hésitant ou passionné.
Ce livre étant largement dévoré par les mites, je n’en conservais que les pages illustrées les moins abimées et me séparais du reste afin de ne pas contaminer le reste de ma bibliothèque. Une douzaine de pages que je faisais aussi tôt encadrer par un petit artisan du marché de Pondichéry.

Lingaraja temple and Metro Golwin Mayer

Left : Smiling lips about to indulge in a kiss. Sculpture from the Lingaraja temple, Bhubanesvar, 11th century. Right : The nose-kiss ! Rod Taylor and Yvette Mimieux in "The Time Machine" a Metro Golwin Mayer Production.

Autre partie de ma collection, une série de poupées du Tamil Nadu. Il y a seulement une vingtaine d’années, les jeunes filles de cette région de l’Inde jouaient encore avec des poupées en bois. A l’origine, elles étaient revêtues d’habits fabriquer par les enfants, maquillées et ornées de bijoux. Ces poupées s’inspiraient de deux personnages, un couple divin. Leur taille et la qualité de leurs finitions, toutes réalisées à la main par des artisans, dépendaient des moyens financiers de chaque famille. Leurs dimensions pouvaient aller de quelques centimètres à plus de 50. L’envergure des plus grandes leur conférait un poids certain, tant le bois dans lequel elles étaient sculptés étaient dense et dur.
Les femmes prêtaient à ce bois appelé « red cedar » des vertus médicinales. Aussi, les mères fabriquaient, à partir des poupées de leurs filles, un baume. Cet pommade était faite en ponçant le socle de ces statuettes et en mélangeant la sciure de bois ainsi obtenue avec de l’eau. Cette substance, étalée sur la peau, était censée protéger et guérir des piqûres d’insectes.
Aujourd’hui, les poupées originales sont de plus en plus recherchées et nombreuses sont les copies récemment fabriquées.
Je collectais, petit a petit, une cinquantaine de ces poupées. Toutes avaient été des jouets et portaient sur elles les stigmates de l’amour ou des colères dont elles avaient été l’objet. Certaines semblaient même avoir été martyrisées tant elles portaient des traces semblables à de profondes blessures.



Vue de la collection de poupées du Tamil Nadu, Centre d’Art Contemporain de Basse-Normandie, 2001.

raja ravi varma and indian dolls

Raja Ravi Varma original oleograph and Tamil dolls

Collectionneur ou artiste, je ne savais pas qu’un jour j’exposerai comme œuvre d’art, symptomatique d'une des mes préoccupations obsessionnelles : l'accouplement des sentiments contraires, ces deux couvertures de magazine que j’achetais à Pondichéry. Couvertures annonçant les décès de la Princesse Diana et de Mère Theresa, fin août / début septembre 1997.



Death of Princess Diana and Mother Theresa, Indian news magazine front cover, September 1997
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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Adivasi "first inhabitants"


Wether in India or in the Western world, the general public is not well aware of the Indian tribal art. Though the Indian tribal art has nothing to envy from the well renowned other forms of tribal art such as African and Oceanian.

The radiance of the dominating sacred arts related to Buddhism, Jaïnism, Hinduism and the Muslim religion which has over shadowed the Indian tribal art during more than two millenniums, explains our ignorance.

The origin of the Indian tribal art is much more ancient than the ones of the sacred arts. Hence, the Indians call the tribal populations "Advisi" which means "the first inhabitants".

The recent discoveries of numerous rupestral sites in India show some formal similarities between the iconography, still in use nowadays in some Indian tribes and the ones used by their ancestors more than 10.000 years B.C.

Some studies done in India by ethnologists have permitted to preserve a testimony of some Indian art forms which have disappeared today. An important number of these studies was consecrated to the Nagas, a tribe living in the North Eastern part of India. At one time head-hunters, the Nagas were christianised in the 50's. Their outfits as well as their sculptures and their architecture show an artistic creativity rarely equalled.

More than 50 million Indians are living today in the tribal communities. The internal geographic configuration of India, and the near absence of road transport in some areas, still maintain some of these tribes in an almost complete isolation. Far from external influence, these tribes are perpetuating some ritual art forms which are among the most ancient ones. However, the majority of this ethnic groups is getting more and more in contact with the modern world.

The Indian tribal art which is produced today, in contact or not with the modern world, shows the richness and the diversity which characterise this art form.

This diversity could be compared in its formal aspect to the Aboriginal from Australia, the art from Africa or Oceania, and also, and surprisingly, to the "Art Brut" or Modern Art.

The Indian tribal art, as well as some forms of folk Indian art such as Mithila painting, Patua art, etc. privileges the interpretation to the creation. These artists are interpreters of some common joint cultural partitions. The undisputed quality of some of these works shows that the interpretation is considered as a creative act by itself. It is the same in music, dance or theatre, the interpretation is an art by itself.

This blog shows a selection of works, from tribal and folk art, among those that I have collected since 1996 principally in the Maharastra, the Madya Pradesh, the West Bengal and the Bihar states. The choice of these works, principally guided by my views as an art critic, wishes to pay tribute to the evocative title of an exhibition organised by Jyotindra Jain, the Director of the Crafts Museum in New Delhi, "Others Masters".


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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle
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Adivasi "premiers habitants"


Les distinctions entre art tribal et art populaire ne sont pas toujours évidentes et ce encore moins en Inde où ces deux genres co-existent encore. Pour simplifier on peut dire que l’art tribal est « la » forme d’expression des peuples premiers. L’art tribal est en soi un art premier, il est unique et ne se positionne pas en regard d’autres formes d’art. Les arts populaires sont une des formes d’expressions des peuples dits civilisés. Les arts populaires existent et se définissent en regard d’autres formes d’arts dits sacré, singulier, savant ou encore brut.

En Inde comme en occident, l'art tribal indien est peu connu du grand public. Pourtant, il n'a rien à envier aux autres formes d'art tribal reconnues comme celles issues d'Afrique ou d'océanie.

Notre ignorance concernant l'art tribal indien tient principalement au fait qu'il fut, pendant plus de deux millénaires, occulté par le rayonnement des arts sacrés dominants issus du bouddhisme, du jaïnisme, de l'hindouisme et de la religion musulmane.

Les origines de l'art tribal indien sont beaucoup plus anciennes que celles des arts sacrés qui les ont occultés. Ainsi, les indiens appellent les populations tribales les "adivasi", ce qui signifie "premiers habitants". Les découvertes récentes de nombreux sites rupestres en Inde font apparaître un certain nombre de similitudes formelles entre l'iconographie encore aujourd'hui utilisée par certaines ethnies et celle utilisée par leurs ancêtres plus de 10 000 ans avant J.-C..

Les études faites en Inde par les ethnologues ont permis de conserver un témoignage sur certaines formes d'art tribal aujourd'hui disparues. Un grand nombre de ces recherches furent consacrées aux Nagas, une tribu du nord-est de l'Inde. Jadis coupeurs de têtes, les Nagas furent christianisés dans les années 50. Leurs parures, leurs sculptures aussi bien que leur architecture révèlent une créativité artistique rarement égalée.

Plus de 50 millions d'indiens appartiennent encore à des communautés tribales. La configuration géographique interne de l'Inde et, à certains endroits, la quasi-absence d'infrastructure routière, maintiennent encore quelques-unes de ces communautés dans un isolement presque total. Loin de toute influence extérieure, celles-ci perpétuent des formes d'art rituel parmi les plus anciennes. Toutefois, la grande majorité des ethnies est de plus en plus en contact avec le monde moderne.

L'art tribal indien qui se perpétue aujourd'hui, en prise ou non avec la modernité, restitue encore la grande richesse et la grande diversité qui le caractérisent. Cette diversité évoque formellement, tour à tour, l'art des aborigènes d'Australie, l'art d'Afrique ou d'océanie ou bien encore, par un hasard facétieux, l'art moderne ou l'art brut.

L'art tribal indien, tout comme certaines formes d'art populaire indien (Mithila painting, Patua art, etc.), privilégie l'interprétation à la création. Ces artistes sont les interprètes de partitions culturelles communes. La qualité incontestée de certaines oeuvres laisse à penser que l'interprétation est en soi un acte créatif, de même que dans les domaines de la musique, de la danse ou encore du théâtre, l'interprétation est un art en soi.

Ce blog présente une sélection d'oeuvres, issues de l'art tribal et des arts populaires indiens, parmi celles que j'ai collectées depuis 1996 principalement dans le Maharashtra, le West Bengal, le Madya Pradesh et le Bihar. Le choix de ces oeuvres, guidé par mon regard de critique d'art, souhaite rendre un hommage au titre évocateur d'une exposition organisée par Jyotindra Jain, directeur du Crafts Museum de New Delhi, "Other Masters".

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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Jivya Soma Mashe / Richard Long : an encounter

Hervé Perdriolle, Jivya Soma Mashe and Richard Long, front the Jivya Soma Mashe house, Thane District, Maharashtra, 2003.


Dialog : Richard Long / Jivya Soma Mashe, Museum Kunst Palast, Düsseldorf, 2003.
Richard Long / Jivya Soma Mashe, Padiglione d’Arte Contemporanea, Milano, 2004.


Richard Long et Jivya Soma Mashe, Museum Kunst Palast, Düsseldorf, 2003.

Introduction

The idea behind this show came into being when I was living in India, from 1996 to 1999, during the many journeys I made there with the purpose of discovering and studying the art of the Warli tribe in the state of Maharashtra, a mere 90 miles north of Mumbay (Bombay).
On each one of those journeys, I had a chance to take walks lasting many hours, from village to village. For me, the landscapes in their elemental loveliness, but even more so the whole host of details resulting from human activities in nature, imperceptibly conjured up Land Art, and more specifically the work of Richard Long--it, too, in its elemental loveliness.
In the way the Warli spread unassuming bits of wood on the ground, to dry them in the sun; the way they lay out their rice crops; and, just as simply, and among other examples, the way they clean the trodden earth floors of their huts, all this calls to mind, by way of the subtle, sensitive, and elegant attention paid to each of these actions, the fact that their sole deity is the mother goddess, goddess of the earth and fertility, "Palaghata". This cult, if that is what it is, inspired--and still to this day inspires--in them a profound respect for nature. The Warli also express this respect for nature through painting. Through their themes, motifs, and rudimentary style, all Warli paintings--and more particularly the works of Jivya Soma Mashe, the first artist from this tribe to break free from ancestral rituals--seem to be in praise of the Earth, just like every work resulting from Land Art.
This, then, is how the idea behind this exhibition was born, or rather germinated, journey after journey, season after season. The idea which, at the start, was just a feeling, and an ill-defined perception developing during walks taken in the Warli landscape, took on the form of this encounter--a meeting of two artists, two people hailing from undoubtedly quite different cultures, but belonging, above all else, to the same world, and the same Earth, and paying similar respect and consideration towards it.

Hervé Perdriolle, 10 April 2003

Richard Long front the Sacred Mountain, Warli area, Thane District, Maharashtra, 2003.




Waiting for G.

Above all else, art has to do with questions and issues. From rock and cave sites to the art of the pyramids, and from sacred art to modern and contemporary art, the history of art is the most gigantic ensemble of issues and questions providing us with clearer information about the history of humankind than any peremptory "answer". The history of art is on a par with the history of humankind--a series of questions to which there is no end. The wealth and relevance of the history of art depend on the quality and diversity of these questions. In this comparison--a dialogue if ever there were--between Richard Long and Jivya Soma Mashe, there is no answer, there are only questions. A set of questions with the most diverse of origins.

Richard Long, drawing on paper, Warli area, Thane District, Maharashtra, 2003.

Dialogue if ever there was? Jivya Soma Mashe comes from the Warli tribe. Like most members of his tribe, and despite his success and all the many journeys he has made both in India and abroad, Jivya Soma Mashe still only speaks Warli, a dialect which has no written form. Because my schooldays were cut short, I got to learn English only when I lived in India from 1996 to 1999. I was not a very diligent student and I only ever really spoke English on my trips into deepest India, that India made up of villages where the use of English is widespread, but reduced to a quite limited vocabulary. Richard Long only speaks a few words of French. Every day, for a week, in the company of Denise Hooker, we visited several villages, and met many Warli, men and women, children and old people, with whom we talked, exchanging a handful of words (each of us in our respective tongues) the way you might exchange offerings and gifts. Languages and dialects, words and sentences akin to objects, without any precise meanings, for anyone. Words and sentences akin to private objects--present, warm, and simple. How many times, when I have got back from my travels, have I had the impression of having had a dialogue with Jivya Soma Mashe, to such a degree have those words exchanged between us like objects been driven by their own life? How many times have a talked to Richard Long in the fond belief that he was understanding what I said through and through? Nothing of the sort. Only his upbringing and courtesy had me thinking that he was always understanding me--something to do with friendly acquiescence. This ploy was no longer possible, though, when complete misunderstandings cropped up. When this happened, we were like two people speaking a different dialect. The two of us--three with Jivya Soma Mashe--and the Warli were like actors in an enigmatic play. By putting on a thumbnail, Jacques Tati-like imitation--and at times his admiration for the French actor pushed him to a certain mimicry--, and in a very British French, Richard Long brought up Samuel Beckett's Waiting for Godot with regard to our odd linguistic behaviour. Beckett, Tati, Long, Mashe, the Warli and their attitudes that were so special, so restrained, discreet and thoughtful, India: the India of the "Adivasi" (the name given by Indians to denote tribal peoples, literally meaning "first inhabitants"), that hot, humid climate, those landscapes made up of a host of small plots of land (whence the origin of the word Warli: "warla" just happens to mean "plot of land"), where sun-scorched land alternates with lush green paddyfields (thanks to ground water generously fed by a vast network of watercourses tumbling down from countless hills), this relief ostensibly revealing, through a serried scattering of stones (like a shower of meteorites), its volcanic origin, the paintings of Jivya Soma Mashe and the works of other Warli painters, the in situ works of Richard Long, the many walks taken in these landscapes, and the particular walk which led us to the top of the sacred mountain (rising up opposite Jivya Soma Mashe's house, whose summit resembles a finger pointing skyward), all these were the props and sets of this dialogueless play, this wordless tale, which was enacted in the open air in the Thane District (State of Maharashtra, India) from 29 January to 6 February 2003.

Hervé Perdriolle, 11 February 2003

Richard Long, work in progress, Warli area, Thane District, Maharashtra, 2003.



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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle
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Jivya Soma Mashe / Richard Long : une rencontre

Jivya Soma Mashe et Richard Long, Warli aera, Thane District, Maharashtra, 2003.


Dialog : Richard Long / Jivya Soma Mashe, Museum Kunst Palast, Düsseldorf, 2003.
Richard Long / Jivya Soma Mashe, Padiglione d’Arte Contemporanea, Milano, 2004.

Richard Long et Jivya Soma Mashe, Museum Kunst Palast, Düsseldorf, 2003.

Introduction

L’idée de cette exposition est née lorsque j’habitais en Inde, de 1996 à 1999, au cours de mes multiples voyages employés à la découverte et à l’étude de l’art de la tribu Warli dans l’Etat du Maharashtra, à 150 km seulement au nord de Mumbay (Bombay).
Au cours de chacun de ces voyages, j’avais l’occasion de marcher de nombreuses heures, de village en village. Les paysages dans leur rudimentaire beauté, mais plus encore, de multiples détails dus à l’intervention des hommes dans la nature, m’évoquaient imperceptiblement le land art, et plus précisément, l’œuvre de Richard Long, elle aussi dans sa rudimentaire beauté.
Dans leurs façons d’étaler par terre de simples morceaux de bois afin de les faire sécher au soleil, d’étendre au sol leurs récoltes de riz ou simplement encore, et parmi bien d’autres exemples, de nettoyer quotidiennement le sol de leurs huttes en terre battue, les Warli rappellent, par l’attention, recherchée, sensible, gracieuse, apportée à chacune des ces actions, que leur seule divinité est la déesse mère, déesse de la terre, de la fertilité et de la fécondité. Ce culte, s’il en est, leur a inspiré, et leur inspire encore de nos jours, un profond respect pour la nature. Chaque peinture Warli, par ses thèmes, ses motifs, son style rudimentaire, semble être un éloge à la Terre tout comme semble l’être aussi toute œuvre issue du land art.
Ainsi est né, ou plus exactement à germé, l’idée de cette exposition, voyage après voyage, saison après saison. L’idée qui n’était au départ qu’un sentiment, qu’une perception indéfinie aux hasards de marches dans le paysage Warli, prit la forme de cette rencontre, celles de deux artistes, de deux hommes issus de cultures, certes fort différentes, mais appartenant avant tout au même monde, à la même Terre, et ayant à son attention de semblables égards.

Hervé Perdriolle, 10 avril 2003.

Maison de Jivya Soma Mashe, Thane District, Maharashtra, 2003



En attendant G.

L'art est avant tout affaire de questions. Des sites rupestres à l'art des pyramides, de l'art sacré à l'art moderne et contemporain, l'histoire de l'art est le plus vaste ensemble de questions qui nous renseignent mieux sur l'histoire de l'humanité que toute "réponse" péremptoire. L'histoire de l'art est à la dimension de l'histoire de l'humanité : celle d'une suite de questions sans fin. De la qualité et de la diversité de ces questions dépendent la richesse et la pertinence de l’histoire de l’art. Dans cette confrontation, dialogue s'il en est, entre Richard Long et Jivya Soma Mashe il n'y a aucune réponse, seulement des questions. Un ensemble de questions aux origines les plus diverses.
Dialogue s'il en est ? Jivya Soma Mashe est issu de la tribu des Warli. Comme la plupart des membres de sa tribu, et malgré le succès et de nombreux voyages en Inde et à l'étranger, Jivya Soma Mashe parle encore et seulement le Warli, un dialecte qui ne s'écrit pas. Ayant eu une scolarité écourtée, j'ai appris l'anglais lorsque que j'habitais en Inde de 1996 à 1999. J'y ai appris l'anglais avec peu d'assiduité et une pratique limitée à mes voyages dans l'Inde profonde, celle des villages où la pratique de l'anglais est tout aussi répandue que réduite à un vocabulaire restreint. Richard Long parle juste quelques mots de Français. Chaque jour, durant une semaine, nous avons visité, en compagnie de Denise Hooker, plusieurs villages, rencontrés de nombreux warli, hommes, femmes, enfants et vieillards avec lesquels nous avons discuté, échangé quelques mots (chacun dans nos langues respectives) comme l'on peut échanger des offrandes, des cadeaux. Des langues et des dialectes, des mots et des phrases semblables à des objets, sans significations précises, pour les uns comme pour les autres. Des mots et des phrases comme des objets intimes : présents, chaleureux, simples. Combien de fois ais-je eu, de retour de voyages, l’impression d’avoir dialogué avec Jivya Soma Mashe tant ces mots que nous échangions comme des objets étaient animés d’une vie propre ? Combien de fois ais-je parlé à Richard pensant qu'il me comprenait systématiquement ? Il en n’était rien. Seule son éducation et sa politesse me laissaient croire, par de chaleureux acquiescement, qu'il me comprenait invariablement. Au détour d'incompréhensions totales ce subterfuge n'était plus possible. Nous étions alors comme deux personnes parlant un dialecte différent. Nous deux, trois avec Jivya Soma Mashe, et les Warli, étions comme les acteurs d'une pièce énigmatique. Esquissant une mimique à la Jacques Tati -dont l'admiration le pousse parfois à un certain mimétisme- et dans un français très british, Richard Long évoqua, à propos de nos curieux comportements linguistiques, "En attendant Godot" de Samuel Beckett.
Beckett, Tati, Long, Mashe, les Warli et leurs attitudes si spéciales, si retenues, discrètes et attentionnées, l'Inde : celle des "Adivasi" (nom donné par les Indiens pour désigner les populations tribales et signifiant littéralement "premiers habitants"), ce climat chaud et humide, ces paysages composés d'une multitude de petites parcelles de terrain (d'où l'origine du mot warli : "warla" qui signifie précisément "parcelle de terrain") où alternent terres brûlées par le soleil et rizières verdoyantes (grâce à une nappe phréatique généreusement irriguée par un vaste réseau de cours d'eau descendant des innombrables collines), ce relief révélant ostensiblement à travers une constellation de pierres (telle une pluie de météorites) son origine volcanique, les peintures de Jivya Soma Mashe et celles d'autres peintres Warli, les travaux in situ de Richard long, les nombreuses marches dans ces paysages, celle qui nous mena au sommet de la montagne sacrée (s'élevant face à la maison de Jivya Soma Mashe et dont le sommet ressemble formellement à un doigt pointé vers le ciel) ont été les éléments de décor de cette pièce sans dialogue, de cette histoire sans parole, qui s'est jouée en plein air dans le Thane District (Etat du Maharastra, Inde) du 29 janvier au 6 février 2003.

Hervé Perdriolle, 11 février 2003.

Richard Long, work in progress, Warli aera, 2003



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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle
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Warli Tribe (english)

warli sacred moutain
Sacred Moutain, Warli area, 2003.

WARLI TRIBE
MAHARASHTRA

Based in the Thane District, about 150 km north of Bombay, the Warli tribe numbers over 300,000 members. They have their own beliefs, life and customs which have nothing in common with Hinduism. The Warli speak an unwritten dialect mingling Sanskrit, Maharati and Gujarati words. The word « Warli » comes from «warla» which means a piece of land or a field. In his book, The Painted World of the Warlis, Yashodara Dalmia claimed that the Warli carry on a tradition stretching back to 2 500 or 3 000 BC. Their mural paintings are similar to those done between 500 and 10 000 BC in the Bhimbekta caves, in Madya Pradesh.

"Cauk" ritual painting on wall, Thane District, 1998.

warli contemporary ritual art
warli art india "Cauk" ritual painting on wall, Thane District, 1998.

Their extremely rudimentary wall paintings use a very basic graphic vocabulary: a circle, a triangle and a square. The circle and triangle come from their observation of nature, the circle representing the sun and the moon, the triangle derived from mountains and pointed trees. Only the square seems to obey a different logic and seems to be a human invention, indicating a sacred enclosure or a piece of land. So the central motive in each ritual painting is the square, the cauk (or caukat); inside it we find Palaghata, the mother goddess, symbolizing fertility.

Woman painting with bamboo stick on paper.

warli tribal painting
warli tribe ritual festival
Young girls coming to the most important Warli Festival.

Significantly, male gods are unusual among the Warli and are frequently related to spirits which have taken human shape. The central motif in these ritual paintings is surrounded by scenes portraying hunting, fishing and farming, festivals and dances, trees and animals. Human and animal bodies are represented by two triangles joined at the tip ‹ the upper triangle depicts the trunk and the lower triangle the pelvis.
Their precarious equilibrium symbolizes the balance of the universe, and of the couple, and has the practical and amusing advantage of animating the bodies. Without this balance, Warli art would be devoid of rhythm and life. The pared down pictorial language is matched by a rudimentary technique.

warli wall painting "Cauk" acrylic on paper, 1998.

The ritual paintings are usually done inside the huts, which measure about 8 by 6 meters and seldom have partitions. A symbolic separation shares the space between people and cattle. The walls are made of a mixture of branches, earth and cow dung, making a red ochre background for the wall paintings. The Warli use only white for their paintings. Their white pigment is a mixture of rice paste and water with gum as a binding. They use a bamboo stick chewed at the end to make it as supple as a paintbrush. The wall paintings are done only for special occasions such as weddings or harvests. The lack of regular artistic activity explains the very crude style of their paintings, which were the preserve of the womenfolk until the late 1960s. But in the 1970s this ritual art took a radical turn.
A man, Jivya Soma Mashe started to paint, not for any special ritual, but on an everyday basis. His talent was soon noticed, first nationally then internationally, bringing unprecedented recognition, which prompted many other young men to follow suit.

Hervé Perdriolle. (in Tribals Art magazine, September 2001)

Paintings on paper and wall, Thane District, 1999.

warli jivya soma mashe art india

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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Warli Tribe (français)


Montagne Sacrée, Thane District, Maharashtra

WARLI TRIBE
MAHARASHTRA

Située dans le Thane District, à approximativement 150 km au nord de Bombay, la tribu Warli compte encore aujourd'hui plus de 300 000 membres. Les Warli n'ont rien à voir avec l'hindouisme. Ils ont leur propre mode de croyance, de vie et de coutume. Les Warli parlent un dialecte qui ne s'écrit pas. Il est un mélange de mots issus du sanskrit, du Maharati et de Gujarati. Le mot Warli viendrait du mot "warla" qui désigne une parcelle de terrain, un champs. Yashodara Dalmia, dans son livre intitulé "The painted Word of the Warlis", note que les Warli seraient le prolongement d'une tradition dont les origines se situent entre 2 500 et 3 000 avant JC. Leurs peintures murales s'apparentent à celles faites 500 à 10 000 avant JC. dans les grottes de Bhimbekta, dans le Madya Pradesh.

L'iconographie extrêmement rudimentaire des peintures murales Warli est construite autour d'un vocabulaire graphique dès plus basique: le rond, le triangle et le carré. Le rond et le triangle sont nés de l'observation de la nature; le rond de l'observation de la lune et du soleil et le triangle de celles de la montagne ou des arbres aux cimes pointées vers le ciel. Seul le carré ne semble pas né de l'observation de la nature et apparaît alors comme une création de l'homme afin de délimiter l'enclos sacré, la parcelle de terrain. Aussi, le motif central de chaque peinture rituelle est celui du carré, le "cauk"(ou caukat), au centre duquel l'on trouve "Palaghata", la déesse mère, symbole de fécondité et de fertilité. Il est important de noter que les divinités masculines sont rares chez les Warli et qu'elles s'apparentent, le plus souvent, à des esprits ayant pris forme humaine. Autour du motif central de ces peintures rituelles, viennent principalement des scènes de chasses, de pêches et de cultures, de fêtes et de danses, des figures représentant arbres et animaux. Les corps des êtres humains, comme ceux de nombreux animaux, sont représenter à l'aide de deux triangles inversés qui se rejoignent en leurs pointes respectives, le triangle supérieur figure le torse, le triangle inférieur évoque le bassin. L'équilibre précaire de ces triangles symbolise l'équilibre de l'univers, du couple. Cet équilibre a aussi l'aspect pratique et ludique de pouvoir aisément animer les corps. Équilibre sans lequel, rythme et vie seraient absent de leur art. Cette pictographie réduite à l'essentiel est réalisée à l'aide de moyens picturaux eux aussi rudimentaire.

Cauk, peinture murale, Thane District, et, Cauk, peinture sur papier, réalisées par des femmes.



Jeunes filles réunies à l'occasion du plus important Festival Warli

Ces peintures rituelles sont réalisées de manière générale à l'intérieur de leurs huttes. Celles-ci mesurent environ 8x6m et ne possèdent ordinairement pas de cloisons intérieures. Une séparation symbolique répartie l'espace entre les hommes et le bétail. Les murs sont faits d'un mélange de branchages, de terre et de bouse de vache. La couleur de ces murs est celle de la terre cuite. C'est cet ocre rouge qui va servir de fond à la peinture murale. Pour peindre, les Warli n'utilisent qu'une seule couleur, le blanc. La couleur blanche est obtenue à partir d'un mélange de pâte de riz, d'eau et de gomme qui sert de liant. Cette peinture sera appliquée à l'aide d'un bâtonnet de bambou préalablement mâchonné en son extrémité afin de lui donner une souplesse comparable à celle d'un pinceau. Ces peintures murales ne sont réalisées qu'en de rares occasions, celles des mariages et des récoltes. Cette absence de pratique artistique régulière explique le style extrêmement brut de leurs peintures. Jusqu'à la fin des années 60, l'art pictural des Warli étaient le fait exclusif des femmes. Cet art rituel ancestral allait, au cours des années 70, subir un changement radical. Un homme, Jivya Soma Mashe, se mit à peindre, non pas à la seule occasion des rituelles, mais quotidiennement. Son talent fut très vite remarqué au niveau national, puis au niveau international.

Hervé Perdriolle

Jivya Soma Mashe, "Cauk", 1997, acrylique et bouse de vache sur toile, 115x146 cm



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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle
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Jivya Soma Mashe "Warli Tribe" (english)


Jivya Soma Mashe and his wife

JIVYA SOMA MASHE
WARLI TRIBE
MAHARASHTRA

Jivya Soma Mashe belongs to the Warli tribe. Based in the Thane District, about 150 km north of Bombay, the Warli tribe numbers over 300,000 members. They have their own beliefs, life and customs which have nothing in common with Hinduism. The Warli speak an unwritten dialect mingling Sanskrit, Maharati and Gujarati words. The wall paintings are done only for special occasions such as weddings or harvests. The lack of regular artistic activity explains the very crude style of their paintings, which were the preserve of the womenfolk until the late 1960s. But in the 1970s this ritual art took a radical turn.
A man, Jivya Soma Mashe started to paint, not for any special ritual, but on an everyday basis. His talent was soon noticed, first nationally then internationally, bringing unprecedented recognition, which prompted many other young men to follow suit. They started to paint regularly for commercial purposes and so developed skills that won the women¹s admiration. These days, few women paint, and they seem happy to leave the task to the men.

Jivya Soma Mashe, painting on paper, 1997, 13x18 cm



Jivya Soma Mashe, "Cauk", 1997, acrylic and cowdung on canvas, 115x146 cm.

Jivya Soma Mashe, born at the beginning of the 30s in Sauna Village, has an unusual background. He was abandoned by his family at an early age and refused to speak, communicating only by drawing pictures in the dust. This strange attitude soon won him a special status within his community. The first government agents sent to preserve and protect Warli art were amazed by his artistic abilities.

Jivya Soma Mashe and Indira Gandhi

Jivya Soma Mashe shows a heightened sensitivity and unusually powerful imagination, which seem to be the legacy of his early introspective period. Paper and canvas freed him from the constraints of working on rough, sheer walls and he transformed the brusque look of the ephemeral paintings into a free, deeply sensitive style. His sensitivity emerges in every detail of his paintings. Strokes, lines and a mass of dots swarm and vibrate on the canvas, coming together to form clever compositions which reinforce the general impression of vibration. Details and the overall composition both contribute to a sense of life and movement. Recurring themes, from tribal life and Warli legends, are also a pretext for celebrating life and movement.
Jivya Soma Mashe sums up the deep feeling which animates the Warli people, saying
« There are human beings, birds, animals, insects, and so on.. Everything moves, day and night. Life is movement ». The Warli, adivasi, or the first people, speak to us of ancient times and evoke an ancestral culture. An in-depth study of this culture may give further insight into the cultural and religious foundations of modern India.

Hervé Perdriolle
(in Tribals Art magazine, September 2001)

Jivya Soma Mashe, acrylic and cow dung on canvas, detail.



jivya soma mashe gulf news

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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Jivya Soma Mashe "Warli Tribe" (français)


Jivya Soma Mashe chez lui avec l'un de ses fils, Sadashiv

JIVYA SOMA MASHE
WARLI TRIBE
MAHARASHTRA

Jivya Soma Mashe fait partie de la tribu Warli. Située dans le Thane District, à approximativement 150 km au nord de Bombay, la tribu Warli compte encore aujourd'hui plus de 300 000 membres. Les Warli n'ont rien à voir avec l'hindouisme. Ils ont leur propre mode de croyance, de vie et de coutume. Les Warli parlent un dialecte qui ne s'écrit pas.
Jusqu'à la fin des années 60, l'art pictural des Warli étaient le fait exclusif des femmes. Cet art rituel ancestral allait, au cours des années 70, subir un changement radical. Un homme, Jivya Soma Mashe, se mit à peindre, non pas à la seule occasion des rituelles, mais quotidiennement. Son talent fut très vite remarqué au niveau national, puis au niveau international.
Cette reconnaissance sans antécédent, entraîna dans son sillage nombre de jeunes gens. Ceux-ci, par une pratique quotidienne de peintures destinées à être vendues, acquirent rapidement un savoir-faire qui fit l'admiration des femmes. Aujourd'hui, rares sont les femmes qui peignent encore, laissant aux hommes cette tâche, y compris à l'occasion des peintures rituelles.

Jivya Soma Mashe, peinture sur papier, 1997, 13x18 cm



Jivya Soma Mashe, "Tarpana", 1998, acrylique et bouse de vache sur toile, 100x125 cm

L'histoire de Jivya Soma Mashe est singulière. Jivya Soma Mashe est né au début des années 1930 dans le village de Sauna. Abandonné par sa famille dés son plus jeune âge, il s'enferme dans un mutisme total. Sa seule façon de s'exprimer alors, est de tracer des dessins à même le sol. Cette attitude étrange lui vaut rapidement un statut particulier au sein de sa communauté. Les premiers émissaires du gouvernement, en charge de conserver et de promouvoir l'art des Warli, sont vite étonnés par les qualités artistiques de cet homme. De cette période de repli sur lui-même, Jivya Soma Mashe semble avoir conservé un imaginaire et surtout une sensibilité hors du commun. Le travail sur des supports comme le papier et la toile lui ont permis de s'affranchir des contraintes de la surface irrégulière et escarpée du mur. Jivya Soma Mashe a métamorphosé l'aspect abrupt des peintures éphémères en un style libre et franc d'où émane une grande sensibilité. Chaque détails de ses peintures en sont le témoignage. Le trait, la ligne et les points qui foisonnent, fourmillent, sur la toile vibrent et s'agencent au grès de compositions habiles qui, elles même, renforcent la vibration de l'ensemble. Le détail et la composition générale de l'oeuvre sont, l'un et l'autre, au service de la vie et du mouvement. Les thèmes récurrents de son oeuvre, l'activité quotidienne des siens et les légendes Warli, sont eux aussi le prétexte à un éloge constant de la vie et du mouvement.


Jivya Soma Mashe, "Fish Men", 1997, acrylique et bouse de vache sur toile, 115x146 cm

"Il y a les êtres humains, les oiseaux, les animaux, les insectes, etc. Jour et nuit il y a du mouvement. La vie est mouvement." Par ses propos, Jivya Soma Mashe, décrit le sentiment profond qui anime l'âme Warli. Adivasi, premiers habitants, les Warli nous parlent des temps les plus anciens et évoquent une culture ancestrale dont l'étude approfondie permettrait peut-être de révéler quelques-uns des fondements culturels et religieux de l'Inde moderne.

Hervé Perdriolle
(in Tribals Art magazine, Septembre 2001)

Jivya Soma Mashe, acrylique et bouse de vache sur toile, détail



jivya soma mashe gulf news

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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Shantaram Chintya Tumbada "Warli Tribe"



SHANTARAM CHINTYA TUMBADA
WARLI TRIBE
MAHARASHTRA

Je rencontrais pour la première fois Shantaram Tumbada à l’Alliance Française de Bombay où il m’était présenté par Vishvas Kulkarni, le neveu de Baskar Kulkarni, peintre et anthropologue, l’un des premiers grands spécialistes de l’art de la tribu Warli. L’oncle avait appris le dialecte Warli à son neveu, ce qui en faisait un guide particulièrement intéressant. L’un et l’autre sont décédés à la fin des années 1990. C’est avec étonnement que je découvrais à Bombay que Shantaram Tumbada avait réalisé en 1993 une grande fresque sur le mur pignon d’un immeuble de Villeurbanne, ville mitoyenne à celle de Lyon, ma ville natale. Le hasard de la vie est ainsi fait que l’on touve parfois à l’autre bout du monde ce que l’on aurait pu découvrir à côté de chez soi. Nous devions nous revoir de nombreuses fois tant dans sa tribu que chez moi, à Pondichéry, où j’organisais workshop et expositions. Shantaram Tumbada a un style qui lui est propre fait d’une grande simplicité et précision graphique.



En 1993, Shantaram Tumbada réalise plusieurs séries de dessins adaptant les mythes de la Création au temps moderne. Ainsi, il revisite l'invention de la roue, de l'aviation ou encore des transports en commun. Dans cette série de 25 dessins consacrés à l'aviation, l'homme observe tout d'abord les oiseaux, puis, pour chasser, il invente l'un des premiers objets volants sophistiqués, la flèche. Il est intéressant de constater que l'hélicoptère intervient avant l'avion, sans doute le premier contact avec un objet volant motorisé dans ces contrées reculées et loin de tout aéroport.


Vue de l'exposition au PAC, Milan 2004


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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Batohi Jha "Mithila Painting"



BATOHI JHA
MITHILA PAINTING
BIHAR

Batohi Jha est l'un de seuls artistes mâles de cette région. Son statut de prêtre tantrique nous rappelle que, selon certains ethnologues ou historiens indiens, le tantrisme aurait pour origine géographique le Bihar. Les figures géométriques et savantes réalisées au cours des mariages dans cette région semblent en témoigner. D'une imposante stature, Batohi Jha est, comme le veut la coutume, toujours vêtu de rouge. Après avoir arrêté pendant plusieurs années la peinture pour se consacrer uniquement à son métier de prêtre, Batohi Jha s'est remis à tracer ces multiples symboles à l'image de la peinture ci-contre. Plusieurs heures d'enregistrement vidéo ont à peine suffit pour consigner sur cassette leurs significations.

batohi jha mithila tantra painting

Acrylique sur toile, 1999, 72x58cm. / Numéro d'inventaire JHA / 001


batohi jha madhubani tantra painting

Acrylique sur toile, 1999, 72x58cm (détail) / Numéro d'inventaire JHA / 001




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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle

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Urmala Devi "Godhana Painting"



URMALA DEVI
GODHANA PAINTING
BIHAR

Urmila devi est né dans les années 50, dans l’état du Bihar, au nord de l’Inde, à 30 kmde la frontière avec le Népal. Elle est mariée, mère de deux enfants et grand-mére. Elle fait partie des "intouchables", ceux qui n'appartiennent à aucune caste du système hindoue. Sa vie se partage entre les tâches familiales et la production d’œuvres d’art . Au premier abord rien ne la distingue des autres femmes de sa région et de sa communauté, celle des Dusadh (nominally "watchmen", David Szanton). Puis l’on remarque chez cette femme une distinction tout aussi rare que subtile. Enfin l’on est même surpris qu’elle soit une intouchable tant sa beauté, son élégance discrête, dépasse celle de nombreuses femmes issues des plus hautes castes. Avec cette même attention , l’on découvre, peinture après peinture, que son art est différent de celui des autres femmes. Son style personnel permet d’identifier son œuvre qui aurrait pu se perdre dans la production locale massive de peintures et dessins destinée aux échoppes pour touristes.

Couleurs végétales sur papier, 1998, 70x50 cm.

Ce fut une série de trois dessins qui me permit de découvrir Urmala Devi. Lors de mes premiers voyages dans cette région de l'Inde, j'étais régulièrement et beaucoup plus qu'ailleurs, véritablement assailli par des dizaines et des dizaines d'individus voulant à tout prix me montrer des centaines de dessins afin que je leurs en achète quelques-uns uns. Parmi ces centaines de dessins seuls quelques dizaines retenaient mon attention. La qualité que je leur trouvais était principalement due au hasard de productions intenses laissant émerger de temps à autre des œuvres plus singulières que d'autres. Ces trois là avaient une singularité supplémentaire, celle d'un style unificateur. Le geste de l'artiste était libre et inspiré et évoquait celui, tout aussi libre et inspiré, d'Alechinsky. Je voulais en savoir plus sur cette artiste et ce ne fût pas chose facile. En effet, plusieurs femmes de cette région portaient le même nom qu'elle, Urmala Devi. Enfin identifier, j'espérai la rencontrer au cours d'un des mes prochains voyages mais un problème de santé voulut qu'elle soit, à ce moment là, hospitalisée dans une autre ville. Je rencontrais néanmoins son mari et sa fille et je pus ainsi d'une part commencer à collectionner quelques-uns uns de ces dessins et à lui passer ma première commande. Je la rencontrais enfin au cours du voyage suivant. En septembre 1998, nous réalisions un documentaire sur elle.

Couleurs végétales sur papier, 1998, 70x50 cm.


Sa vie se partage entre les tâches familiales et la production d’œuvres d’art .Dans cette région reculée parmi les plus pauvres de l’Inde, le système hiérarchique est très présent y compris dans la vie artistique. Ainsi les Dusadh, comme Urmala Devi, n’ont pas le droit de représenter les dieux et ne doivent s’inspirer que de leur environnement quotidien. Durant de nombreux siècles, c’est à travers l’art du tatouage que s’exprimèrent nombre d'intouchables. Aujourd’hui cette forme d’art disparaît car le tatouage est devenu un symbole de pauvreté. S’inspirant pour leurs œuvres sur papier de cette forme d’art parmi les plus anciennes, les dessins des Dusadh en sont les derniers témoignages graphiques.


Fils d'Urmala Devi, Madhubani, Bihar, 1998.




Urmala Devi, Madhubani District, Bihar, 1998


Couleurs végétales sur papier, 1999, 70x50 cm


Couleurs végétales sur papier, 1997, 70x50 cm


Couleurs végétales sur papier, 1998, 70x50 cm


Couleurs végétales sur papier, 1998, 70x50 cm


Couleurs végétales sur papier, 1996, 70x50 cm


Couleurs végétales sur papier, 1998, 70x50 cm


Couleurs végétales sur papier, 1998, 70x50 cm




Urmala Devi Collection




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Copyright textes, photos et collection : Hervé Perdriolle
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